Accéder à Facebook ou à sa messagerie Gmail, c’est faire du «cloud» (prononcer claoud’) sans le savoir ! L’informatique entre dans une nouvelle ère. Elle est sublimée dans un gigantesque nuage qui, lui, ne s’arrête pas aux frontières. On a coutume en effet de représenter la nébuleuse internet par un nuage auquel accèdent des millions de «clients» (ordinateurs, smartphones, etc.) et de «serveurs» (les machines sur lesquelles résident les applications et les bases de données) interconnectés. Le «cloud computing», ou informatique en nuage (ou dans le ou les nuages) est un principe d’organisation dans lequel la puissance de traitement est concentrée dans de gigantesques centres de données (datacenters), quelque part, on ne sait pas où. Il suffit d’accéder au nuage pour disposer de ressources quasi illimitées. L’utilisateur devient le consommateur d’un service – infrastructures ou applications partagées – à moindre coût. Plus besoin de posséder machines et licences de logiciels.
Nouveau paradigme ou trouvaille marketing ?
La véritable innovation réside dans le modèle économique, «à la demande» : on paye ce qu’on utilise et rien d’autre. La dépense informatique passe du mode investissement – machines, licences d’exploitation – au mode fonctionnement – on loue un service. Disponibilité, standards et mobilité sont les maîtres mots. La panacée, donc?
La légende (il y en a déjà une !) veut que ce soit Eric Schmidt, le patron de Google, qui, le premier, en 2006, a employé l’expression « cloud computing ». Quoi qu’il en soit, la première offre de ce type est due à Amazon, avec EC2 (Elastic Compute Cloud) ; la librairie géante du web a eu la géniale intuition de mettre à la disposition des entreprises, pour héberger leurs applications, ses gigantesques ressources informatiques, dimensionnées pour les pointes d’activité et en sous-utilisation le reste du temps. Les géants de l’informatique se sont engouffrés dans la brèche : Google, Microsoft, IBM, HP, Dell, Apple, Oracle, Salesforce, etc.
Tout est affaire d’infrastructures.
Le cloud nécessite des réseaux à suffisamment haut débit d’abord, avec un bon niveau de fiabilité. Des serveurs ensuite, conjuguant puissance – calcul parallèle, processeurs multi-cœurs -, virtualisation – plusieurs environnements logiciels, isolés les uns des autres, sur la même machine physique –, et mutualisation des ressources – pour réduire globalement le coût de fonctionnement. Des outils d’accès enfin, notamment mobiles, où rien d’autre n’est nécessaire qu’un simple navigateur (Firefox, Internet Explorer, etc.).
IaaS, SaaS et les autres…
Dans le monde du cloud, on propose à l’utilisateur des «services» (aaS, as a service). L’IaaS (Infrastructure…) est par exemple la mise à disposition de machines virtuelles avec leur système d’exploitation (Linux, Windows). Le client y installe son application métier à distance et ne se soucie plus de la gestion de ce qui est matériel (exemple : Amazon). Le PaaS (Platform…) est destiné au développement d’applications. Le SaaS (Software…) fournit des applications en accès direct. Prêtes à l’emploi, elles ne nécessitent ni installation, ni maintenance. Les plus courantes concernent la messagerie, le travail collaboratif, le partage de documents ou de savoirs, la relation client, la GRH… L’offre est très large et voit émerger à côté des grands, une pléiade de petits acteurs.
Cloud public, privé ou communautaire ?
On parle de «cloud public» quand ces services sont rendus disponibles par des tiers, comme l’eau est fournie au robinet du consommateur. Le «cloud privé» consiste à réserver des serveurs dédiés, qu’on gère soi même, pour son propre usage. C’est la meilleure solution pour des applications métier, c’est-à-dire en lien direct avec l’activité de l’entreprise. Le «cloud communautaire» en est l’extension pour l’ensemble d’une profession. La plateforme de réservation Amadeus, commune à un grand nombre de compagnies aériennes, en est un exemple.
Un changement pour les utilisateurs… et les acteurs.
Auprès des directions informatiques des entreprises, le cloud ne rencontre en fait qu’un succès limité… à certaines applications. Les inquiétudes viennent des questions de confidentialité des données et de sécurité d’un système d’information entièrement confié à des tiers. Pour Richard Stallman, pionnier des logiciels libres, le cloud computing n’est qu’un piège marketing, une perte pour l’utilisateur de la maîtrise de ses données au profit de sociétés comme Google. La résistance vient aussi des aspects humains et organisationnels, de la crainte de voir l’équipe informatique de l’entreprise réduite à une peau de chagrin. Sur les débats qui fleurissent aujourd’hui autour du cloud computing, on lira avec profit Le Cloud Computing : solution miracle ou coup d’épée dans l’eau?
Les acteurs du secteur vont, eux aussi, avoir à changer de métier. Les éditeurs de logiciel passent de la simple vente de licences à la fourniture d’un service, d’un usage. Les opérateurs, déjà devenus fournisseurs d’accès internet, offrent de plus en plus souvent un service complet : réseaux, hébergement, contenus… Comme les sociétés de service, les intégrateurs, en fait tous les acteurs de l’informatique, ils sont amenés à se repositionner, à évoluer pour ne pas disparaître.
Mobilité et «client léger»
On revient à une vision qui semblait révolue : l’utilisateur n’a besoin que d’un simple terminal pour accéder au nuage, comme on le faisait avec les «mainframes» (grands systèmes) de l’informatique de papa. Le système d’exploitation du client peut lui aussi être confié à un prestataire, c’est la virtualisation du le poste de travail (modèle DaaS, Desktop…). L’utilisateur accède à son bureau virtuel n’importe où, au moyen de n’importe quel terminal (PC portable, smartphone ou tablette). Le prestataire gère les tâches d’arrière-plan (stockage de données, sauvegarde, sécurité et mises à niveau). Concept plus grand public, le Chromebook, proposé par Google, annonce une nouvelle génération de PC. D’une autonomie importante, il se branche instantanément en Wi-Fi ou en 3G et lance son navigateur en une poignée de secondes. E-mails, photos, documents et données sont stockés dans le cloud. Se faire voler son PC ne cause qu’un désagrément limité : il n’y a rien dessus ! Outil nomade par excellence, il est idéal pour la messagerie (Gmail), la bureautique et le travail collaboratif (Google Documents).
Cloud et développement durable
Grâce au cloud, l’informatique se démocratise. Qu’on soit une petite entreprise ou dans un pays en développement, les meilleures applications sont désormais accessibles dans leur toute dernière version. Partout où on accède à internet. Globalement, ce mode d’exploitation donne lieu à des économies d’énergie : les serveurs sont utilisés de manière optimale dans les centres de données. L’efficacité énergétique est d’autant meilleure qu’ils sont refroidis par «free cooling», technique qui consiste à prendre l’air de l’extérieur lorsque celui-ci est suffisamment frais. Le cloud, chantre du « green IT »…